Nas – Hip Hop Is Dead

Album attendu au tournant pour le MC venu du Queens. Logique quand l’intéressé annonce que l’album s’appellera Hip Hop Is Dead. Et quand l’on se rappelle de ses quatre derniers opus (Stillmatic, The Lost Tapes, God’s Son, et Street’s Disciple), on ne peut qu’espérer un classique surtout quand l’on sort un album classé dans la catégorie Hip Hop alors que le titre en indique sa mort.

Il s’agit donc d’un album concept dans lequel Nas va nous narrer ses classiques histoires de rue tout en nous développant l’idée que l’âge d’or du Hip Hop est définitivement derrière nous. Les titres sont assez explicites : Money over bullshit, Carry on tradition, Where are they now, Hip hop is dead, Who killed it ? Idem pour la superbe pochette de l’album où l’on voit Nasty Nas déposer une rose noire dans une tombe (sans doute celle du Hip Hop) en pleine nuit ténébreuse.

L’enterrement démarre à bon rythme avec Money over bullshit et You can’t kill me (dont l’écoute laisse à penser que le titre n’est « rapologiquement » pas exagéré). Deux prods signées L.E.S (fidèle à sa réputation de producteur figurant parmi les plus sous-estimés du circuit mainstream américain) et un flow toujours aussi performant me laissent, d’entrée, penser que cette livraison du King of New York (choisis ton camp camarade) ne sera pas décevante.

Le ton s’adoucit avec Carry on tradition et sa prod de Scott Storch (époque où il avait une petite hype autour de lui) qui a décidé de se mettre à faire du old school. Bonne transition pour le, hyper old school pour le coup, Where are they now (production Salaam Remi oblige aiiiiiiiie!!!) dans laquelle Nas s’interroge sur l’actualité des têtes d’affiche du rap des années 80, dans un registre musical où seuls les MC’s déjà bien ridés s’exerçaient. Arrive le single de cet album et titre éponyme, Hip hop is dead ! Au départ, j’ai eu du mal à m’y faire, mais une demie-décennie plus tard, je reconnais que c’est un classique de Nas. A la manière d’un éditorialiste, Nas nous explique la mort du Hip Hop. Will.I.Am lâche une très grosse prod, audacieuse, et un joli refrain aux résonnances old school.

Loin des hits stéréotypés des Black Eyed Peas, Will.I.Am continue de se défouler et participe au morceau le plus… surprenant, de l’album en collaborant avec Salaam Remi sur la prod de Who killed it dans lequel la voix de Nas est modifiée pour prendre l’accent d’un vieillard animateur de radio animant une émission sur la recherche de l’assassin du défunt. Ce morceau se finit par une voix off nous signalant que « Hip hop is some fucking dead » qui ne fait que rajouter de l’effet au Black republican FEATURING JAY-Z ! Les deux plus grands ennemis du rap game après la mort de Pac’ et Biggie se réconcilient pour nous pondre ce morceau d’anthologie ! Écrivant cette chronique en le réécoutant, ce Black republican m’a justifié l’argent dépensé dans l’achat de cette rencontre au sommet ! En 2006, ce duo équivaut à une association DrogbaEto’o en attaque ! Les deux meilleurs MC’s côte à côte pour faire exploser nos enceintes… Sur une production de Salaam Remi bien évidemment (donc coaché par le Sir Alex Ferguson du Hip Hop) !

I know you can feel the magic baby !

Ça se calme un petit peu (mais n’en demeure pas moins génial) avec Not going back. Dans un registre bien plus mélodique et mélancolique, Nas évoque … sur un doux refrain de celle pour qui il s’est amouraché pendant quelques années, Kelis. Cinq étoiles là encore.

Kanye West vient apporter sa petite touche personnelle sur Still dreaming en la produisant et lâchant un petit couplet, mais malgré cela et le refrain de Chrisette Michele, le morceau ne m’emballe pas. Un peu trop surjoué à mon goût…

Après avoir lâché quelques morceaux qui s’écoutent très bien individuellement, Nasir Jones nous envoie une série de petits morceaux qu’on se laisse écouter les uns à la suite des autres, portés par le rythme : Hold down the block, Blunt ashes, Play on playa (feat. Snoop Dogg)… Mais au milieu de ceux-là figure un bijou plus précieux que les autres : Let there be light ! Sur une superbe prod de Kanye West (et oui, son nom rimait avec Classique il y a peu de temps encore…) et un somptueux refrain de Tre Williams, Nas apporte une petite lueur à ce cortège funèbre. Un classique de plus à la discrographie de Nas Escobar.

Can’t forget about you plaira à certains par son côté vieille école justement mais je trouve l’instru beaucoup trop lourde et pas assez dynamique pour mes tympans. Nas va même s’amuser avec The Game sur Hustlers avec une prod de Dr Dre histoire de faire un peu enrager 50 et de rencontrer directement un de ses fans pour un résultat de bonne facture. Nas domine tellement ses concurrents en termes de flow qu’il se permet même de boucler son album par trois minutes d’acapella.

Bilan : Comparé à Eto’o et Drogba un peu plus haut, Nas se rapproche davantage d’un Paolo Maldini qui, jusqu’à son dernier souffle de latéral gauche, aura été d’une redoutable mais propre efficacité. Le vétéran de Queensbridge enchaîne les gros morceaux et s’affirme de plus en plus comme Le modèle à prendre en exemple dans le rap (aussi bien américain que français). Des histoires de rue, des morceaux plus réfléchis, du divertissement… Nas maîtrise son sujet. Seul hic : Nas se fatigue un peu sur la fin de l’album et certains morceaux donnent l’impression de n’être là que pour remplir le CD. Si le Hip Hop est mort, Nas fait partie de ceux qui le ressuscitent. Nas ne le ressuscite pas à lui seul avec cet album. Vu le titre, on pouvait espérer encore un peu mieux.

Note : 15.5/20

Top 5 :
Black republican feat. Jay-Z
Let there be light feat. Tre Williams
Hip hop is dead feat. Will.I.Am
Not going back feat. Kelis
You can’t kill mefeat. Lui-même car il n’a besoin de personne pour atteindre l’excellence.

L’ours blanc

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